Budget 2025 : Gatineau néglige ses infrastructures essentielles

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Alors que la Ville de Gatineau affirme manquer de ressources pour financer ses projets d’infrastructures, les données financières racontent une toute autre histoire. L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) dénonce le budget 2025 de la Ville de Gatineau qui continue de négliger le financement d’infrastructures essentielles. Notamment pour éliminer les surverses. 

10 décembre 2024

Des coffres pleins, mais des investissements négligés 

L’analyse des états financiers de la Ville de Gatineau ainsi ceux des 10 grandes villes du Québec révèle des constats alarmants : 

  • Une taxe sur les infrastructures de 1% qui ne donne pas de résultats : En 2009, Gatineau investissait une proportion de près de 40% de ses revenus en infrastructures.  Au cours des 10 dernières années, c’est à peine l’équivalent de 25% de ses revenus que la ville a mis en immobilisations. (Graphique 1 et 2)
  • De l’argent mal taxé et un compte épargne qui explose : En 2014, Gatineau disposait de 84 M$ en placements de portefeuille. Dix ans plus tard, ce montant atteint 479 M$, générant même des intérêts inutilisés sur l’argent des contribuables. Pendant ce temps, les infrastructures vieillissent et les surverses d’eaux usées restent non résolues, accentuant une crise du logement sans précédent. 
  • Un retard d’investissements massif : Malgré les intentions affichées par la Ville d’accroître ses investissements, les faits montrent qu’elle sous-estime systématiquement ses revenus annuels et n’arrive pas à livrer les infrastructures planifiées. Une analyse des derniers états financiers disponibles des 10 plus grandes villes du Québec en 2023 révèle que Gatineau affiche le niveau le plus faible d’investissement en immobilisations par habitant. 

« Taxer les nouveaux locataires et imposer des moratoires, c’est irresponsable. Gatineau doit plutôt utiliser judicieusement les revenus générés par la croissance et se mettre au diapason du reste du Québec en termes d’investissement. Pourquoi demander encore plus alors que les investissements nécessaires tardent à se concrétiser ? » interroge Nicolas Brisson, directeur général de l’APCHQ Outaouais-Abitibi-Témiscamingue. 

Un frein au développement résidentiel et une crise du logement exacerbée 

Les développeurs immobiliers, qui contribuent déjà 15 M$ par an pour financer les infrastructures (rues, égouts, aqueducs), voient leurs projets retardés par des choix budgétaires discutables et des moratoires déguisés. Le règlement sur les redevances de développement alourdit encore leur fardeau, rendant les logements neufs moins accessibles et aggravant une crise locative où les logements abordables se font déjà rares. 

En ce qui concerne la charge fiscale moyenne des logements dans les grandes villes du Québec, un indicateur clé pour mesurer l’impact des taxes municipales par ménages, Gatineau se positionne en tête du peloton et dépasse nettement la moyenne québécoise depuis plus de 10 ans. (Graphique 3)

« Ce règlement est une erreur politique et économique. Il fragilise le marché locatif, impose une charge disproportionnée aux nouveaux résidents et détourne l’attention des véritables problèmes d’infrastructure. » ajoute Nicolas Brisson. 

L’APCHQ appelle à une gestion responsable 

Face à ces incohérences, l’APCHQ demande à la Ville de Gatineau : 

  1. De suspendre immédiatement l’adoption du règlement sur les redevances de développement.
  2. De mettre à niveau les investissements en infrastructures en utilisant les fonds existants pour financer des projets structurants et corriger les infrastructures vieillissantes, afin de protéger le développement économique de la ville. Choisir, c’est renoncer, et le conseil municipal doit prendre conscience des conséquences lourdes de ses décisions, qui repoussent des travaux essentiels au détriment de l’essor et de la vitalité de Gatineau. 
  3. D’ouvrir un dialogue constructif avec les développeurs et citoyens pour explorer des solutions équitables et durables.

L’APCHQ se tient prête à collaborer avec la Ville et le gouvernement provincial pour élaborer des solutions équitables et durables qui soutiennent l’abordabilité et la densification urbaine. Une demande de rencontre a d’ailleurs été adressée à la mairesse pour amorcer ce dialogue. 

Graphique 1 : Revenus totaux de la Ville de Gatineau et ses investissements en immobilisations

Source : Rapports financiers de la Ville de Gatineau. Notes : Les revenus totaux sont les revenus réels de fonctionnement et d’investissement de la ville selon les rapports financiers de la Ville de 2009 à 2013.  Les investissements en immobilisations correspondent principalement aux investissements en infrastructure (maintien et nouvelles).

Graphique 2 : Montant annuel en immobilisations corporelles et revenus totaux de la Ville de Gatineau

Source : Rapports financiers de la Ville de Gatineau  

Graphique 3 : Charge fiscale moyenne des logements à Gatineau, de 2012 à 2022 par rapport à la moyenne des 10 grandes villes au Québec

Source : La charge fiscale moyenne des logements permet d’évaluer le fardeau fiscal global moyen des logements (impact des taxes municipales par logement). Profils financiers des villes québécoises, produit par la MAMH. https://www.quebec.ca/gouvernement/gestion-municipale/finances-fiscalite-municipales/information-financiere/publications-financieres/rapport-financier ; https://www.quebec.ca/gouvernement/gestion-municipale/finances-fiscalite-municipales/information-financiere/publications-financieres/profil-financier?organisme=01042&annee=2023