L’hypothèque légale de la construction : un outil puissant à utiliser
Tout entrepreneur en construction a fort probablement déjà été confronté à un défaut ou à un refus de paiement de la part d’un client à la suite de la finalisation de travaux de construction.
Fort heureusement, il existe un outil juridique offrant une garantie supplémentaire de recevoir le paiement de sa créance : l’hypothèque légale de la construction. Or, pour bénéficier des avantages de cet outil, il est impératif de suivre certaines instructions à la lettre.
L’hypothèque légale de la construction a priorité sur toute autre hypothèque déjà publiée et ce, pour un montant maximal équivalent à la plus-value apportée à l’immeuble par les travaux. Elle permet donc à l’entrepreneur en construction, le sous-entrepreneur, l’ouvrier, le fournisseur de matériaux, l’ingénieur et l’architecte qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble demandée par le propriétaire, entre autres, de prendre l’immeuble en paiement ou de faire vendre l’immeuble en justice en cas de défaut de paiement. En cas d’hypothèques légales de la construction multiples, elles deviennent alors en concurrence de façon proportionnelle à la valeur de chacune des créances qu’elles garantissent.
Il importe également de spécifier qu’en cas de travaux demandés par un locataire d’un immeuble résidentiel ou commercial, en cas de défaut de paiement, il ne sera pas possible de se prévaloir d’une hypothèque légale de la construction. Cela démontre toute l’importance de vérifier l’identité du propriétaire de l’immeuble où les travaux seront réalisés afin de contracter directement avec celui-ci.
Étape 1 : La dénonciation écrite des travaux
La première étape s’adresse uniquement à tous les intervenants du projet de construction qui n’ont pas contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble (par exemple, le sous-traitant d’un entrepreneur général ou un fournisseur de matériaux). En effet, ceux-ci doivent dénoncer leurs travaux au propriétaire de l’immeuble avant de débuter leurs travaux ou services afin de garantir la valeur des travaux qui seront exécutés ou des matériaux qui seront fournis. L’ouvrier est cependant exempté de cette obligation.
La dénonciation doit être sous forme écrite et doit impérativement contenir les éléments suivants :
- Le nom et l’adresse du propriétaire de l’immeuble;
- Le nom et l’adresse de l’intervenant qui dénonce ses travaux;
- La nature du contrat obtenu;
- Le nom du cocontractant;
- Le prix;
- Le lieu des travaux;
- L’intention de se prévaloir de l’hypothèque légale de la construction en cas de défaut de paiement;
- Une mention que la dénonciation effectuée est celle prévue à l’article 2728 du Code civil du Québec.
Une preuve de la réception de la dénonciation par le propriétaire sera requise afin de se prévaloir de l’hypothèque légale de la construction.
Étape 2 : L’inscription d’un avis d’hypothèque légale
La prochaine étape consiste à inscrire un avis d’hypothèque légale auprès du registre foncier dans un délai de trente (30) jours suivant la fin des travaux. Cet avis doit être signifié par huissier au propriétaire de l’immeuble et doit contenir la désignation de l’immeuble ainsi que le montant de la créance.
La notion de fin des travaux fait référence à la fin des travaux pour le projet de construction en entier et non à la fin des travaux exécutés par chacun des intervenants. Il n’existe donc qu’une seule date de fin des travaux par projet de construction. Elle correspond donc à la date où les travaux prévus au contrat ont été complétés et ce, malgré la présence de déficiences. En pratique, la notion de fin des travaux est une question de faits qui sera analysée spécifiquement par la Cour, le cas échéant.
Cet avis doit également être signifié par huissier au propriétaire de l’immeuble et doit contenir une mention à l’effet que l’intervenant en construction a l'intention d'exercer un recours hypothécaire devant les tribunaux à défaut d’obtenir le paiement intégral de sa créance. Il n’y a aucun délai légal associé à cette exigence, mais une signification tardive causant un préjudice au propriétaire de l’immeuble pourrait être opposée à l’intervenant de la construction et faire échec à son recours.
Étape 3 : L’inscription d’un préavis d’exercice d’un recours hypothécaire
L’étape suivante consiste à inscrire un préavis d’exercice d’un recours hypothécaire auprès du registre foncier dans un délai de six (6) mois suivant la fin des travaux.
Le préavis d’exercice doit notamment dénoncer tous les défauts causés par le propriétaire de l’immeuble, rappeler son droit de remédier aux défauts, indiquer le montant de la créance, décrire le bien grevé de l’hypothèque légale de la construction et indiquer la nature du recours hypothécaire que l’intervenant de la construction désire exercer. Le préavis doit également rappeler que le délai pour rectifier tout défaut est de soixante (60) jours.
Étape 4 : Exercice du recours hypothécaire
L’étape finale consiste à exercer le recours hypothécaire devant la Cour advenant la possibilité que le propriétaire n’ait toujours pas payé sa créance au terme du délai de soixante (60) jours. Le bénéficiaire de l’hypothèque légale de la construction pourra donc choisir l’un des recours suivants :
- Vente sous contrôle de justice;
- Vente par le créancier;
- Prise en paiement de l’immeuble;
- Prise de possession à des fins d’administration.
Pour conclure, le non-respect des étapes ci-haut décrites peut s’avérer fatal pour l’obtention d’une hypothèque légale de la construction valide. Nous invitons les membres de l’APCHQ à communiquer avec notre équipe qui sera en mesure de vous guider dans vos droits et obligations relativement à l’obtention d’une hypothèque légale de la construction.
Note : Les informations parues dans cet article sont tirées du Code civil du Québec.
Cet article a été rédigé par Me Juliette Roberge et Me Marie-Laurence Lefebvre, avocates chez Lambert Therrien Avocats.