Des allèges qui ne font pas le poids
Quand retrait et expansion des matériaux causent des maux de tête
Un entrepreneur a construit un bâtiment en bois de trois étages avec parement de briques d’argile. Aujourd’hui, il constate que les allèges des fenêtres et des portes des niveaux supérieurs sont renversées, c'est-à-dire qu’elles penchent vers le bâtiment plutôt que vers l’extérieur.
L’eau s’infiltre à l’intérieur sous la poussée du vent et l’effet de la gravité. Pourtant, il existe de milliers de bâtiments en bois parés de briques au Québec. Pourquoi le sien connaît-il ce problème?
Un peu de physique 101
D’abord, l’ossature de bois a rétrécit avec le séchage. Si le bois était humide ou s’est mouillé en cours de construction, il peut avoir rétrécit de 1/2 pouce sur trois étages. Chaque pièce de bois comme les sablières ont perdu un peu d’épaisseur. Pour leur part, les solives ajourées sont moins sujettes aux variations étant donné leur procédé de fabrication. Toutefois, au bout de trois étages¸ ça commence à paraître. Le retrait (R) se calcule comme suit : R=D dimension réelle du bois, ici 18 pouces de bois, soit 12 sablières de 1 ½ po (4 par étage à cause de la chape de béton léger) x changement du taux d’humidité (de 19 % à l’origine à 6 % en hiver, soit 13) x le coefficient de retrait de 0,002. Un total de 0,468 po, un peu moins de 1/2 po.
À cela, on ajoute le gonflement naturel des briques d’argile1, un phénomène moins connu. Un coefficient d’expansion de 0,0005 sur 433 pouces de hauteur donne environ 1/4 pouce.
Puisque les fenêtres sont attachées à l’ossature de bois, elles auront tendance à baisser avec le retrait du bois. De son côté, le mur de brique et les allèges auront tendance à monter lorsqu’il y a gonflement de la brique.
Le résultat net sera un basculement des allèges vers l’intérieur.
Le Code de construction n’est pas très explicite sur ces calculs. Il renvoie plutôt à la norme CSA-O86 qui exige de tenir compte du retrait du bois et des mouvements différentiels entre les matériaux. Des documents de l’industrie du bois et de la brique donnent plus de détails sur ces phénomènes.
Bien entendu, l’entrepreneur aurait pu éviter cette situation en :
- prévoyant, dans les dessins techniques. des détails permettant à la brique et à l’allège de jouer un peu, sachant que le bois allait connaître ce retrait;
- utilisant un bois sec avec une faible teneur en humidité et en s’assurant en cours de construction que le bois ne soit pas exposé aux éléments;
- construisant conformément aux détails de ses professionnel·le·s afin de réduire les risques de déficiences.
Enfin, les problèmes potentiels causés par le retrait du bois ne se limitent pas seulement aux allèges. Dès que l’on assemble des matériaux aux comportements différents en fonction du taux d’humidité, on s’expose à des mouvements différentiels problématiques. Par exemple, en attachant des solives perpendiculairement à une poutre d’acier, le bois connaîtra un retrait, mais pas l’acier. On verra apparaître une bosse vis-à-vis la poutre d’acier. Pour éviter le problème, on construira avec des éléments de bois légèrement surdimensionnés de manière que le tout soit de niveau une fois le taux d’humidité d’équilibre atteint.
1 « TECHNICAL NOTES on Brick Construction #18 », The brick Institute Association.