Quand une Ville n’a pas adopté de code de construction… quatre ans et demi plus tard, où en sommes-nous?
L’histoire d’une Ville qui n’avait pas adopté de code de construction... près de 5 ans plus tard.
Il y a environ 7 ans, on présentait une chronique dans laquelle on racontait l’histoire d’un entrepreneur qui avait exécuté des travaux de remplacement d’une galerie surélevée et de son garde-corps. Comme la Ville n’avait pas adopté de code de construction, le garde-corps avait été conçu pour être très « design », aéré, offrant une vue imprenable sur le paysage.
Un enfant en bas âge avait chuté et s’était blessé sérieusement. Bien qu’il n’y ait aucune exigence concernant l’exécution du garde-corps et que l’entrepreneur ne contrevenait à aucun règlement, les tribunaux en avaient décidé autrement. Ils avaient conclu que l’entrepreneur avait manqué à ses obligations et que ce manquement constituait la cause première des blessures du bambin.
En juin 2013, le portrait de la réglementation pour les bâtiments résidentiels non assujettis était le suivant :
Version du code adopté par une ville
- 1975 : 1 ville
- 1980 : 1 ville
- 1985 : 12 villes
- 1990 : 40 villes
- 1995 : 200 villes
- 2005 : 50 villes
- Municipale : 50 villes
En novembre 2017, le portrait ne s’était guère amélioré avec l’arrivé d’un nouveau joueur, le CCQ 2010 :
Version du code adopté par une ville
- Aucune : 50 villes
- 1985 : 5 villes
- 1990 : 10 villes
- 1995 : 30 villes
- 2005 : 40 villes
- 2010 : 45 villes
- Municipale : 40 villes
Aujourd’hui, le problème est toujours présent. Il a même pris de l’ampleur depuis l’adoption du CCQ 2015, ajoutant encore un nouveau joueur au tableau, mais aussi parce que plusieurs municipalités retirent volontairement l’adoption d’une version du Code (Charlemagne, Mirabel ou Rougemont). Par conséquent, le chaos s’intensifie et on peine à s’y retrouver, ce qui occasionne un fouillis réglementaire impressionnant. Voici le portrait d’aujourd’hui.
Toutefois, une donnée surprenante nous saute aux yeux : le nombre de Villes qui n’adoptent aucun code sont en forte hausse! Cette donnée constitue la tranche la plus élevée. La question est donc d’autant plus justifiée aujourd’hui : que faire quand une Ville n’adopte aucun code?
Aujourd’hui, au moment d’écrire ces lignes, un entrepreneur se questionnait à savoir s’il était conforme de construire un mur coupe-feu combustible (structure de bois recouverte de panneaux de gypse) tel que le permettait uniquement le Code 2005. Après tout, la Ville n’a adopté aucun code, peut-il faire ce qu’il veut? Vous vous en doutez, la réponse est beaucoup plus complexe qu’un simple oui ou non.
De prime abord, la réponse est non. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de code qu’on peut faire comme bon nous semble. Cependant, un architecte peut concevoir les plans et devis selon la version du code de son choix. Dans le cas où une Ville n’adopte aucune version du code et qu’elle ne possède aucun règlement de construction, elle acceptera des plans signés et scellés par un architecte faisant référence à l’une des versions du code. Dans l’exemple du mur coupe-feu, l’entrepreneur pourrait travailler avec son architecte afin que les plans émis soient en conformité avec le Code 2005, pour ainsi être en règle dans la construction d’un mur coupe-feu combustible.
Attention, ça ne s’arrête pas là! Il faut également prendre en considération que les intervenant·e·s (professionnel·le·s et entrepreneur·e·s) doivent faire preuve de vigilance en ce qui concerne leurs obligations. En effet, en l’absence d’adoption d’un code, les tribunaux considèrent comme étant des manquements à la prudence les travaux qui ne respectent pas les règles de l’art. Comme cela a été le cas dans l’exemple du garde-corps de la chronique de juin 2013.
Ainsi, en l’absence d’adoption d’un code par une Ville, un·e professionnel·le peut déterminer avec quelle version il ou elle conçoit le bâtiment non assujetti*, mais dans tous les cas, la sécurité des occupant·e·s prime.
La croyance populaire veut qu’en l’absence d’adoption d’un code par une Ville, ce soit la version du code en vigueur qui s’applique automatiquement. Bien que ce soit un bon réflexe et qu’il soit permis de le faire, ceci n’est pas une obligation. Dans l’exemple du mur coupe-feu, si l’entrepreneur veut le construire en matériaux combustibles, le CCQ 2015 le désavantage puisque cette version exige que les murs coupe-feu soient construits en matériaux incombustibles.
Bref, quatre ans et demi se sont écoulés depuis la parution de la chronique qui traitait du même sujet. De nouveaux joueurs sont venus complexifier et élargir la zone grise réglementaire et le chaos est tout aussi présent.
*Bâtiment non assujetti : Est exempté du chapitre 1 du Code de construction, tout bâtiment qui abrite uniquement […] :
Une habitation qui constitue soit un immeuble utilisé comme logement répondant à l’une des caractéristiques suivantes :
- il a au plus 2 étages en hauteur de bâtiment tel que défini au chapitre I du Code de construction;
- il comporte au plus 8 logements.