Le gel provoque une dégelée

Des balcons soulevés par le gel

Un entrepreneur en banlieue nord de Montréal reçoit de nombreuses plaintes pour des balcons soulevés par le gel.

4 septembre 2024

Vérification faite, il constate un véritable soulèvement de quelques pouces des balcons en partie reliés au bâtiment et en partie appuyés sur des colonnes hors bâtiment. Il y a bien soulèvement des colonnes, mais aucune trace de soulèvement du bâtiment lui-même.

Il se souvient alors d’avoir déjà lu il y a quelques années dans le quotidien La Presse un article de M. Pierre-André Normandin intitulé « Le sol de Montréal aussi gelé que celui de Chibougamau ».

« 2,35 m : Profondeur du gel enregistrée à l'intersection de la rue University et du boulevard René-Lévesque. C'est la profondeur de gel habituellement observée à Chibougamau, une ville pourtant beaucoup plus au nord. Même si le gel est moins profond ailleurs, il a atteint des profondeurs records dans pratiquement tous les secteurs de l'île. Rappelons que la profondeur du gel est étroitement liée au type de sol. »

Une question lui trotte dans la tête : est-il responsable de ce désordre s’il a bien construit, conformément au Code de construction du Québec en vigueur au moment des travaux?

Pour répondre, il relit ce que le Code indique à ce sujet. Puisqu’il sait que le sol est composé d’argile et que les colonnes sont des fondations ne délimitant aucun espace chauffé, il lit : « Tableau 9.12.2.2 Profondeurs minimales des fondations : Au moins 1,2 m ou jusqu’à la limite de pénétration du gel si cette valeur est supérieure. »

Une profondeur de 1,2 mètre, c’est à peine 4 pieds!

Il cherche ensuite des données climatiques sur la profondeur de la pénétration du gel au Québec, mais ne trouve aucune donnée spécifique dans le Code, pas même à l’annexe C sur les données climatiques. Il ne trouve rien non plus sur le site d’Environnement Canada. En pratique, il construit comme tous les autres constructeurs : dans la région de Montréal, il place les fondations de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le niveau du sol. À Québec,  c’est plutôt à 1,5 mètre (5 pieds) qu’il faudrait les mettre. Il sait aussi que plus il construit au nord de Montréal, plus les fondations doivent être profondes. Elles seraient probablement placées à 1,5 mètre (5 pieds) à Mont-Tremblant, par exemple.

De fait, le Code art 9.12.2.2.5) permet de construire selon l’expérience antérieure de la profondeur du gel. Dans certains cas, ce pourrait être moins que le minimum de 1,2 mètre (4 pieds).

Constructeur prudent, il place les fondations de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le niveau du sol et enrobe toujours les colonnes de polyéthylène pour en faire un plan de glissement résistant au soulèvement par adhérence du sol. Mais si le sol a gelé jusqu’à 1,5 mètre (5 pieds) ou plus, il est possible qu’il ait gelé sous les fondations. En gelant, des lentilles de glaces peuvent se former et soulever les fondations des colonnes.

Notre entrepreneur détient certainement de bons moyens de se défendre advenant des réclamations, mais pour ce faire il aura besoin d’une expertise démontrant que la construction est bien conforme au Code. Dans ce cas-ci, la pratique courante consiste à placer les fondations de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le niveau du sol. Cette expertise demandera certainement d’excaver à l’endroit des colonnes pour constater la conformité, à moins qu’il ne possède des photographies convaincantes des travaux exécutés ou encore un relevé des installations telles que construites, des pratiques peu fréquentes.

De bonne foi, il rencontre chacun de ses clients et leur explique son analyse. Il est prêt à faire les réparations, mais à certaines conditions : sans admission de responsabilité, il excavera chacune des colonnes et fondations problématiques, le tout sous la supervision d’un expert indépendant accepté par les parties :

  1. S’il s’avère que les fondations sont bien de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le sol et bien enrobées de polyéthylène, il partagera les coûts à parts égales avec ses client·e·s; pour lui, un règlement même lorsqu’il n’est pas en faute vaut bien un procès ou un arbitrage;
  2. S’il s’avère que les fondations sont à moins de 1,2 à 1,8 mètre (4 à 6 pieds) sous le sol, il absorbera en totalité les coûts de correction.

Dans l’un ou l’autre des cas, il placera les nouvelles fondations plus profondément, soit de 1,5 à 1,8 mètre (5 à 6 pieds) sous le sol puisqu’il ne souhaite pas revivre cette situation ni la faire revivre à ses client·e·s.

Ses client·e·s ont accepté sa proposition et les travaux d’excavation débuteront lorsque le sol aura enfin dégelé.

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